13 Oct

Endiguer l’évasion fiscale des entreprises multinationales

 
Les ministres des Finances des pays du G20 ont approuvé les différentes mesures préconisées pour réformer l’ensemble des règles fiscales internationales de manière cohérente et coordonnée lors d’une réunion tenue le 8 octobre à Lima, au Pérou.
 Au cours d’une réunion présidée par le vice-Premier ministre turc M. Cevdet Yilmaz, les ministres des Finances des pays du G20 ont exprimé leur soutien résolu en faveur du Projet OCDE/G20 de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS), qui fournit aux États des solutions pour éliminer les brèches qui subsistent dans les règles internationales actuelles et permettent à des entreprises d’organiser la « disparition » de leurs bénéfices ou de transférer artificiellement ces bénéfices vers des pays qui appliquent une fiscalité faible ou nulle, alors même que ces entreprises y exercent des activités économiques limitées, voire inexistantes.
Ils ont renouvelé leur engagement en faveur d’une mise en œuvre rapide, cohérente et à grande échelle des mesures arrêtées au titre du projet BEPS et rappelé la nécessité que l’OCDE élabore, d’ici début 2016, un cadre de suivi inclusif auquel tous les pays participeront sur un pied d’égalité. Les ministres sont convenus de soumettre les mesures à l’examen et à la décision des chefs d’État des pays du G20 qui se réuniront en sommet les 15 et 16 novembre à Antalya, en Turquie.
« Les pratiques d’érosion de la base d’imposition et de transfert de bénéfices privent nos pays des ressources nécessaires pour relancer la croissance, surmonter les effets de la crise économique mondiale et offrir à tous de meilleures opportunités », a déclaré le Secrétaire général de l’OCDE, M. Angel Gurría. « Le G20 a reconnu que les stratégies de BEPS sapent la confiance des citoyens dans l’équité des systèmes fiscaux internationaux. C’est pourquoi l’OCDE a été invitée à préparer le plus important remaniement des règles fiscales internationales depuis près d’un siècle. L’enjeu consiste désormais à mettre en place les mesures prévues, afin de mettre en échec les dispositifs de planification fiscale qui utilisent des pratiques de BEPS et de créer un meilleur environnement pour les entreprises comme pour les citoyens », a ajouté M. Gurría.
 
Les travaux visant à éliminer les pratiques de BEPS, entrepris à la demande des dirigeants du G20, se sont appuyés sur le Plan d’action concernant le BEPS établi en 2013, qui recense 15 actions permettant de neutraliser l’évasion fiscale internationale. Ce Plan d’action s’articule autour de trois grands objectifs : assurer la cohérence des règles nationales applicables aux activités transnationales ; renforcer les critères de substance dans les normes internationales existantes, afin que le lieu d’imposition soit bien celui où se déroulent les activités économiques et la création de valeur ; et accroître les niveaux de transparence et de sécurité offerts aux entreprises et aux administrations fiscales.
Les pratiques de BEPS induisent un manque à gagner pour les recettes publiques qui représenterait, selon des hypothèses prudentes, 100 à 240 milliards USD par an, soit entre 4 et 10 % des recettes issues de l’impôt sur les sociétés dans le monde. Ces pratiques pénalisent tout particulièrement les pays en développement, pour lesquels l’impôt sur les sociétés représente une part plus importante des recettes fiscales.
La version finale des mesures issues du projet BEPS inclut de nouvelles normes a minima concernant : les déclarations pays par pays, grâce auxquelles les autorités fiscales auront, pour la première fois, une vision globale de l’activité des entreprises multinationales ; les pratiques de chalandage fiscal, afin de mettre un terme à l’utilisation de sociétés relais pour transférer des investissements ; la lutte contre les pratiques fiscales dommageables, notamment dans le domaine des régimes de la propriété intellectuelle et par l’échange automatique des décisions prises par l’administration fiscale à l’égard de certains contribuables ; et des procédures efficaces de règlement amiable des différends, afin que les mesures de lutte contre la double non-imposition ne conduisent pas à des cas de double imposition.
Les mesures portent aussi sur la révision des instructions décrivant l’application des règles de fixation des prix de transfert, afin d’éviter que des contribuables n’utilisent des structures ad hoc fortement capitalisées (« cash boxes ») pour transférer des bénéfices vers des juridictions à fiscalité faible ou nulle. Elles redéfinissent en outre la notion-clé d’établissement stable, pour déjouer les dispositifs destinés à éviter la création d’une présence imposable dans un pays en tirant parti d’une définition obsolète.
Le projet BEPS a permis d’élaborer un ensemble de mesures inédites que les États pourront mettre en œuvre en adaptant leur droit interne, en particulier pour renforcer les règles applicables aux sociétés étrangères contrôlées, suivre une approche commune pour limiter l’érosion des bases d’imposition liée à la déduction de charges d’intérêts, et lutter contre les dispositifs hybrides utilisés pour obtenir une non-imposition des bénéfices au moyen d’instruments financiers complexes.
Près de 90 pays collaborent à la rédaction d’un instrument multilatéral grâce auquel le réseau existant de conventions fiscales bilatérales sera amendé pour inclure les nouvelles mesures de lutte contre les pratiques de BEPS. Cet instrument sera ouvert à la signature de tous les pays intéressés en 2016.
Les mesures issues du projet BEPS sont le résultat d’un processus intensif de consultation sur deux ans mené en toute transparence entre les pays de l’OCDE, du G20 et des pays en développement, en associant les parties prenantes au travers de représentants d’entreprises, d’organisations syndicales, du monde universitaire et de la société civile.
« Chacun a intérêt à voir reculer l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices », a déclaré M. Gurría. « Le Projet BEPS a montré que toutes les parties prenantes peuvent s’associer pour provoquer un changement. La mise en œuvre rapide des mesures par les États garantira un environnement fiscal plus sûr et plus durable, au bénéfice de tous, et non de quelques-uns. »
(source OCDE)