11 Sep

Dix ans après sa création, le dispositif Pinel devrait s'éteindre à la fin de l'année

Dix ans après sa création, le dispositif Pinel, qui permet d’obtenir une réduction d’impôt à condition d’investir dans un bien locatif neuf, devrait s’éteindre à la fin de l’année.

Dix ans après sa création, le dispositif Pinel, qui permet d’obtenir une réduction d’impôt à condition d’investir dans un bien locatif neuf, devrait s’éteindre à la fin de l’année. L’exécutif avait confirmé en 2023 son souhait de le voir disparaître. Depuis, des voix se font entendre au sein des promoteurs immobiliers pour au moins décaler d’un trimestre l’arrêt du dispositif.
 

C’est dans ce contexte houleux, marqué qui plus est par un fort ralentissement des transactions immobilières, que la Cour des comptes a rendu ce 5 septembre un rapport d’évaluation sur le Pinel. S’il conclut à une efficacité mitigée du dispositif, le rapport contient quelques chiffres étonnants, qui renseignent notamment sur les gagnants et les perdants du dispositif. En voici sept.
 

7 Milliards d’Euros entre 2014 et 2023
À l’heure où toutes les sources d’économies budgétaires semblent être bonnes à prendre, voici un chiffre qui risque de murmurer à l’oreille du futur comptable public. Bien que les défenseurs du Pinel mettent en avant le gain fiscal global lié notamment aux droits de mutation et à la TVA, la Cour des comptes s’appesantit sur la dépense fiscale liée à la réduction d’impôt octroyée aux particuliers. Cette dernière a atteint 4,02 milliards d’euros en cumulé entre 2014 et 2021. Sur les deux années suivantes, le coût pourrait s’établir à 3 milliards d’euros, portant à 7,3 milliards d’euros le coût total à fin 2023.
 

78 Millions d’Euros d’Impôt Rappelés en 2021
Ces subventions fiscales sont à mettre en parallèle avec des réductions Pinel octroyées à tort. La quantification de ces fraudes ou méconnaissances du dispositif est imparfaite, indique la Cour des comptes. En cause, notamment, des travaux d’évaluation ne s’appuyant que sur les déclarations fiscales dématérialisées. Or, particulièrement en 2014, au lancement du Pinel, la dématérialisation était moins répandue et les déclarations papier encore fréquentes.
 

Néanmoins, même les déclarations dématérialisées peuvent comporter des anomalies. « La Cour constate que près de 20 % des déclarations étudiées ne comportent pas d’identification de locataires, 13 % de ces déclarations présentent des loyers supérieurs aux plafonds ou encore 3 % de locataires ont des ressources supérieures aux plafonds d’éligibilité », peut-on lire dans le rapport.
 

Depuis 2018, la Direction générale des finances publiques (DGFiP) a progressivement intensifié les contrôles. Ainsi, sur l’année 2018, seulement 680 contrôles avaient conduit à un rappel d’impôt sur le revenu total de 9,7 millions d’euros, soit 14 000 euros environ par contribuable. En 2021, les contrôles fructueux ont atteint le nombre de 4 890 pour un montant d’impôt rappelé de 78,2 millions d’euros, soit 16 000 euros par contribuable.
 

69 % des Investisseurs Font Partie des Plus Aisés
Sans surprise, compte tenu du ticket d’entrée élevé de l’investissement dans la pierre, les investisseurs Pinel appartiennent très majoritairement aux catégories des ménages les plus aisés. Concrètement, sur environ 230 000 investisseurs en Pinel comptabilisés entre 2014 et 2020, 69 % font partie des 

 

10 % parmi les plus hauts revenus.
L’enquête de la Cour des comptes constate également que les investisseurs Pinel sont propriétaires à 86 % de leur résidence principale. Âgés majoritairement de 45 à 65 ans au moment de l’acquisition du bien, ce sont principalement des cadres (54 %) ou des retraités (11 %). « Le dispositif Pinel est donc avant tout utilisé par des investisseurs ayant des revenus élevés, leur permettant de tirer davantage de bénéfices fiscaux de leurs investissements », en concluent les Sages.
 

9 Sondés sur 10 investissent pour la carotte fiscale
En complément, la Cour des comptes a sollicité 19 354 propriétaires pour en apprendre davantage sur leur profil et leurs motivations. Parmi eux, 1 807 ont répondu. L’intérêt fiscal ressort comme la motivation primordiale, bien avant celle de se constituer un patrimoine immobilier.
Précisément, pour 92 % des répondants, le bénéfice de l’avantage fiscal constitue une motivation pour investir dans l’immobilier locatif. Et pour plus de 80 % d’entre eux, c’est même leur principale motivation.
 

Un taux de rendement  de 8 %
Comme les investisseurs s’engagent à appliquer des loyers modérés, la rentabilité d’un investissement Pinel peut émaner essentiellement de l’économie d’impôt et de la revente en plus-value du bien une fois la durée d’engagement locatif terminée.
 

En 2018, le Conseil des prélèvements obligatoires, organe associé à la Cour des comptes, estimait que le taux de rendement d’un investissement Pinel, en comptant la réduction fiscale, pouvait atteindre 5,8 % si les prix de l’immobilier stagnaient et 8 % en cas de hausse des prix. Six ans plus tard, la Cour des comptes émet des doutes sur ce chiffrage, qualifiant sobrement cette estimation d’« optimiste ».
 

Le cabinet PrimeView estimait en 2022 que « quel que soit [le] scénario envisagé, la rentabilité locative annualisée d’un logement acheté via le dispositif Pinel est faible […]». Cependant, « la rentabilité reste supérieure à celle d’un logement acheté ou loué en droit commun pendant 20 ans », met en avant la Cour des comptes. Elle appuie son argumentation par des discussions avec des conseillers en gestion de patrimoine lui ayant indiqué que leurs clients privilégiaient désormais les locations meublées et les produits financiers du type SCPI.
 

Entre 42 000 et 550 000 logements Pinel
À la mise en place du Pinel en 2014, le Gouvernement estimait que le dispositif devrait conduire à construire 40 000 logements en 2014 puis 50 000 logements en 2015 et 2016. Pour la suite, aucun chiffrage n’a été avancé, soulignent les Sages. « Sauf à considérer les objectifs fixés en 2015 et 2016 tacitement reconduits au-delà de ces deux années, la performance du dispositif et l’atteinte effective des résultats escomptés ne peuvent être mesurées », constate la Cour des comptes.
 

Du côté des constructions véritablement impulsées par le Pinel, le manque de données ne permet pas un chiffrage précis. D’où le grand écart des estimations données ce 5 septembre. Au minimum, en prenant en compte l’adresse des logements déclarés par les contribuables, et en supposant qu’elle n’est associée qu’à un seul bien locatif, la Cour estime les constructions dites Pinel à 42 522 logements entre 2014 et 2020. Soit, pas grand-chose au regard des objectifs initiaux.
 

Néanmoins, en se basant sur les données du Centre d’études et d’expertise sur les risques, la mobilité et l’aménagement, le comptage est nettement différent, aboutissant à un majorant de 550 000 logements entre 2014 et 2020. Toutefois, l’hypothèse sous-tendant ce chiffre est forte. Car ces 550 000 biens correspondent à l’ensemble des logements neufs proposés à la location. Il est peu probable que tous aient bénéficié du dispositif Pinel.
 

C’est pourquoi la Cour des comptes semble retenir le chiffre apporté par les données issues des engagements de location (déclarations fiscales dématérialisées d’engagement de location (2044-EB). Cela aboutit à 243 931 logements Pinel entre 2014 et 2020. C’est d’ailleurs ce chiffrage qui a été réutilisé pour étudier la localisation des biens Pinel.
 

Seulement 4 % des Pinel en zone « très tendue »
Mention « assez bien » pour le Pinel en matière d’aménagement du territoire. Si les logements dits Pinel sont majoritairement situés en zone tendue (A et B1), très peu sont en zone très tendue (A bis). Sur les 243 931 logements Pinel, 10 723 se trouvent en zone A bis (4 % des effectifs), contre 68 436 en zone A (28 %) et 135 620 en zone B1 (près de 56 %).
 

« Les logements sont principalement situés, en volume, en zone B1, avec une part (55,6 %) supérieure à ce que représente cette zone en termes de parc locatif privé en France (28 %). La zone A bis est peu sollicitée pour des raisons de disponibilité et de coût du foncier », souligne la Cour des comptes.
 

Cela n’empêche pas certaines communes proches de Paris d’être mieux dotées en logements Pinel. Par exemple, « sur le territoire de l’établissement public territorial de Plaine Commune, pour la période 2014-2022, les « logements Pinel » représentent 20 % à 30 % des constructions neuves dans les villes les plus attractives, les plus proches de Paris », notent les Sages, à savoir Aubervilliers, Saint-Denis, Saint-Ouen et L’Île-Saint-Denis.