Etats-Unis, quel est le rythme de la hausse des taux ?
La publication vendredi dernier des chiffres de l’emploi s’est accompagnée d’un léger relèvement de la probabilité d’une hausse des taux en septembre. En effet, si on tient compte de l’évolution récente des Fed funds futures, cette probabilité se situe dorénavant autour de 30%.
Quels éléments pourraient justifier ce relèvement dès septembre ? Comme le soulignent les récents chiffres de l’emploi américain, l’activité aux Etats-Unis reste bien orientée. Même si le nombre de créations d’emplois est resté en dessous des attentes au mois d’août, la moyenne mobile sur trois mois montre que les créations d’emplois se maintiennent au-dessus du nombre de 200.000 par mois. De plus, le taux dechômage a reculé et s’établit désormais à 5,1%, soit le niveau le plus faible depuis avril 2008. La progression des salaires se poursuit également, même si cette dernière demeure timide. En glissement mensuel, le taux de croissance des salaires était de 0,3% en août, donc en légère progression par rapport au mois précédent pendant lequel le taux de croissance était de 0,2%. En glissement annuel, le taux de croissance des salaires demeure stable (2,2% au cours des deux derniers mois).
D’une manière générale, l’économie américaine se porte bien, de sorte qu’elle est tout à fait à même de supporter une éventuelle normalisation graduelle de la politique monétaire de la Fed. Si on tient uniquement compte de l’état actuel de l’économie domestique, il n’y a donc plus d’obstacles à une remontée des taux de la Fed dès le mois de septembre.
Qu’en est-il vraiment? Dernièrement, le Dr Mohamed El-Erian (Chief Economic Advisor chez Allianz) a justement souligné, lors d’une interview accordée à la chaîne américaine Bloomberg, que même si la « maison » semble saine, il faut tenir compte du « quartier » dans lequel se situe cette dernière. Autrement dit, même si l’activité se porte bien aux Etats-Unis, la décision d’un relèvement des taux doit également prendre en considération l’environnement extérieur. Le récent ralentissement de l’activité chinoise, qui pourrait pénaliser la croissance mondiale, sous-entend que l’environnement extérieur (donc le « quartier ») demeure fragile, de sorte que la Fed pourrait rester très prudente dans ses choix.
Il convient de rappeler que dans de récentes interventions, plusieurs membres de la Fed ont maintenu leur discours selon lequel une hausse des taux directeurs avant la fin d’année était toujours d’actualité et ceci même si l’inflation ne retourne pas vers sa cible de 2%. À partir de là et en nous basant sur les éléments évoqués plus haut, toute décision de relèvement des taux dès septembre va dépendre des discussions lors du prochain comité de politique monétaire de la Fed et bien entendu du facteur dominant (activité domestique bien orientée ou environnement extérieur fragile).
Même si en raison de certains éléments externes la Fed pourrait opter pour une posture plus prudente et n’augmenter ses taux que plus tard, il faut souligner qu’au final ce n’est pas vraiment la date de la première hausse des taux qui importe. Les débats récents autour de la date de la première hausse des taux sont dans le contexte actuel tout à fait inutiles et nous éloignent du véritable problème, à savoir le rythme du resserrement monétaire.
Ce rythme doit être tel qu’il garantisse des conditions propices à une croissance de long terme et qu’il limite les risques de perturbation des marchés. En tenant compte de l’évolution récente des facteurs internes et externes, il semblerait que la Fed pourrait opter pour un rythme de resserrement plus graduel, comme cela fut plus ou moins le cas en 2004. Pour rappel, la remontée des taux enclenchée en juin 2004 avait duré près de 25 mois et s’était accompagnée de 17 hausses de taux. Durant ce cycle de 25 mois, qui ne s’est pas accompagné de perturbations sur les marchés actions américains, le Fed funds rate avait progressé de 425 points de base. Pour ce nouveau cycle de remontée des taux, le rythme de resserrement des taux pourrait cependant être plus lent qu’initialement anticipé, en raison de pressions inflationnistes plus timides qu’en 2004 (core PCE price index de 2,018% en juin 2004 contre 1,235% en juin 2015). C’est-à-dire qu’une fois la remontée des taux enclenchée, le nombre de hausses de taux pourrait être plus limité (notamment en début de cycle).
Par le Dr William Telkes Economiste/Stratégiste BCEE Asset Management
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